50 mots pour en traduire un seul

Avez-vous déjà entendu l’anecdote selon laquelle le peuple Inuit, ou Esquimau, disposait de 50 mots différents dans sa langue pour désigner la neige, là où nous n’en avons qu’un seul ?

Même si elle relève davantage de la légende urbaine, cette idée illustre le phénomène de déterminisme ou relativité linguistique, mis en avant par les linguistes Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf dès les années 1950. Selon leur théorie, une langue donnée affecterait et refléterait les actions et les pensées de ses locuteurs et, réciproquement, chacune des actions et pensées humaines seraient nécessairement bornées par leur langue d’expression.

Autant de langues que de représentations du monde

Il existerait ainsi autant de représentations du monde que de langues, notamment en raison de leur structure grammaticale et de leur représentation du temps (passé, présent et futur) et de l’espace. La langue japonaise en est un très bon exemple, en particulier en ce qui concerne l’expression de la politesse. Contrairement aux langues occidentales où la notion de politesse est essentiellement exprimée à travers un vocabulaire précis et des tournures, le japonais exprime celle-ci au moyen d’un système grammatical bien défini. Ainsi, en japonais, pour témoigner de son respect envers l’interlocuteur et se conformer à une certaine distance hiérarchique, une obligation peut être exprimée non pas par le mode impératif, mais plutôt en lui faisant comprendre que le non-respect de cette obligation n’est pas acceptable (conditionnel négatif + ne pas aller).

De plus, cette hypothèse peut être rapprochée au domaine de la traduction et notamment au cas du bilinguisme. En effet, une personne bilingue rattache une langue à un contexte et à des attitudes sociales différentes, car ce qui est vécu dans l’une ou l’autre langue est différent, voire opposé. L’exemple le plus courant est l’opposition entre la langue utilisée pour l’administration, la scolarité etc. et celle utilisée dans le milieu familial, comme cela est notamment le cas en France avec les langues régionales telles que l’alsacien, le breton ou le basque.

Pour une meilleure compréhension des langues

Si le sujet vous intéresse, nous vous conseillons le livre du célèbre linguiste Claude Hagège « Halte à la mort des langues » (éditions Odile Jacob, 2000) ou encore « Éléments de sociolinguistique – Langue, communication et société » d’Henri Boyer (éditions Dunod, 1996). Si vous souhaitez une approche plus contemporaine et conviviale, nous vous conseillons également le film Premier contact (film de Denis Villeneuve, 2016), qui illustre la recherche de la compréhension fondamentale entre deux civilisations que tout oppose.